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Pourquoi une équipe de talents motivés peut créer des résultats catastrophiques?

Les clés pour comprendre l'incompréhensible et résister à agir intuitivement en aggravant la situation.

Situation de crise dans une SSII:

C’est l’histoire classique d’une équipe d’innovation en conflit majeur, surmenée, et proche de la rupture. Ils peinent à délivrer dans les délais et la qualité attendus, un logiciel pour un client majeur.

3 jours plus tôt, la réception d’un ultimatum par leur client a fait l’objet d’une bombe. Soit ils se ressaisissent et délivrent dans un mois, soit le contrat est rompu avec perte sèche. Et visiblement, ils sont loin de se ressaisir. Le problème pour la plupart est connu. La responsabilité de cet échec est attribuée à l’expert technique. Bien que très compétent, il refuse de développer des options promises en cours de projet au client au risque de développer une technologie trop fragile. Pour lui, promettre autant, est le problème, et ne peut conduire qu'à la catastrophe à l'image de ce bateau. Plus l'équipe insiste, et plus l'expert technique se braque, complétement stressé  et n'avance plus(1) . Le recrutement d’un autre technicien pour le soutenir n’a pas porté ses fruits, lui même pris dans la spirale du stress et de la pression générée par le responsable technique.


Lorsque la solution est pire que le problème

Excédé, sous pression maximale de sa Direction,  le chef de projet ne voit qu’une seule issue : remplacer l’expert technique ou autrement dit enlever l’épine du pied pour avancer plus vite….

Avancer plus vite ? Et si au contraire cette solution ne faisait que précipiter l’équipe dans l’impasse ? Imaginons que l’expert soit remercié aujourd’hui. A quelle vitesse peut on le remplacer et combien de temps le nouvel expert nouveau sur le sujet, aura besoin pour redresser la situation sachant que le client attend des résultats pour dans un mois ?

Et si l’épine du pied était l’occasion de traiter les problèmes majeurs de l’organisation?


Diagnostique systémique

Une analyse systémique de la situation révèle 3 «archétypes» classiques dans le fonctionnement de cette équipe

  • Le transfert du fardeau : remplacer l’expert par un autre sans traiter le problème de fond
  • Des partenaires souhaitant la même chose (le succès du projet) deviennent des ennemis
  • Des objectifs (délivrer à temps et en qualité)…qui dérivent à cause d'une autre source de pression dans l'organisation


Pas une mais plusieurs solutions (moins radicales et plus performantes)

Comme tout système dont les objectifs dérivent, une source de pression détournant l’équipe de ses objectifs initiaux est identifiée : celle de séduire le client coute que coute en proposant toujours plus. Certains membres de l’équipe souhaitaient des éloges sur leur inventivité par ce client prestigieux, d'autres souhaitaient même secrètement être embauchés par ce même client. Un brainstorming provocateur « comment en proposant moins, on augmente la valeur pour le client"  a révélé plusieurs business models originaux pour réussir différemment en se libérant de la pression. Rassurés en partie, les exigences vis-à-vis du Responsable Technique sont devenues plus mesurées.

Restait la dynamique d’équipe à restaurer autour des objectifs initiaux (à conserver pour garder le client) en challengeant leurs croyances

*Croyance 1 : nous n’avons toujours rien à présenter au client et va-t-il adhérer à notre nouvelle façon de concevoir le logiciel (mieux avec moins). En se focalisant sur le verre à moitié plein, ils ont réussi à créer plusieurs prototypes avec ce qu'ils avaient et les nouveaux concepts… Prototypes qu’ils ont ensuite testés auprès d’utilisateurs finaux…et qui se sont révélés très riches d’enseignements. Le client rassuré par les tests prometteurs et les business models innovants, a consenti un délai acceptable. Au final, les membres de l'équipe ont réalisé qu'ils avaient bien plus qu’ils ne pensaient…et qu’il était indispensable d’exposer leurs idées à l’extérieur plutôt que de chercher à se convaincre (ou s’opposer) dans l’équipe.

*Croyance 2 : certains ne jouent pas le jeu dans l'équipe (se la jouent perso, freinent pour leur confort personnel....) Pour déporter temporairement les tensions, ils ont été invités à se lancer dans un jeu de simulation d’entreprise. Une entreprise travaillant en silos, orientée vers l’excellence opérationnelle dans chaque département…mais conduisant à un résultat catastrophique pour le client car les méthodes des uns perturbaient l’efficacité des autres et donc l’efficacité globale. Après concertation et orientation vers le besoin des clients, ils ont réussi à multiplier leur productivité par 7 dans la seconde étape du jeu. Et une conclusion : l’excellence opérationnelle sur les taches et l’orientation client sont deux choses très distinctes. S’en est suivi un débrief sur le niveau d’engagement de chacun (très haut), leur intention (réussir) et leur façon de communiquer et travailler ensemble avec des solutions « agiles » de bon sens.

Aujourd’hui cette équipe performe… un autre projet se profile… ils semblent vouloir tous y aller.


La tentation est toujours grande, en cas de crise et de situation qui s’enlise de trouver un "seul" coupable et d'appliquer une solution massive, qui s'avère rarement efficace voire peut aggraver la situation. La systémie nous enseigne au contraire, que tous les éléments du système ont une part de responsabilité sans le vouloir sur les résultats obtenus(2). Avant de blâmer… regardez le « bateau » sur lequel vos co-équipiers opèrent. Quel courant (enjeux) le dévie de l'objectif? Quelles sont les habitudes (archétypes), croyances et procédures entravant son fonctionnement? Quelle ressource rend vos collaborateurs autosuffisants pour ne pas avoir à coopérer vraiment?  Et du coup, quelles solutions différentes pouvez vous tester pour réorienter l'équipe et son bateau?

Article rédigé par Christiane Brackman, coach en innovation et accompagnement au changement CEO ActInedit https://www.actinedit.com/, brackman.christiane@orange.fr

sources :

(1) Comment aider une personne qui s'entête: https://www.linkedin.com/pulse/persévérance-vs-entêtement-le-distinguo-pour-savoir-quand-brackman/

(2) Le guide de l’organisation apprenante, ed Eyrolle, Béatrice Arnaud (Auteur), Corinne Ejeil (Auteur) 2018


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