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Engagement: challenger positivement des idées immatures

Quelques-uns de vos collaborateurs ont tendance à se désengager malgré leur force de proposition? Une des raisons majeures est que leurs « bonnes idées » ne seraient pas reconnues à leur juste valeur. Comment transformer « une mauvaise idée » que vous ne pouvez pas accepter, en idée fédératrice pour l’ensemble des acteurs ? Une équation et des clés issues du monde de l’innovation.

Quelque part dans un laboratoire, des chercheurs souhaitent tester des conditions de l’engagement(1)

  • 2 groupes de participants et une même consigne :  Réaliser des personnages avec des pièces de Lego. Le premier personnage sera rémunéré 2 dollars, le 2ème 1,89 dollar et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils décident de ne plus poursuivre.
  • La différence entre les 2 groupes : le responsable du test détruit physiquement les personnages Lego devant le groupe 2 après chaque rémunération, alors qu’il se contente de dire que les pièces seront détruites dans le groupe 1.
  • Résultats : le groupe 1 a construit 36% de plus de personnages que le groupe 2. Bien que la rémunération était garantie et l’intérêt de construire des personnages initialement séduisante dans les 2 cas, le groupe 2 a prématurément arrêté l’expérience avec comme conséquence de gagner moins. « A quoi ça sert…notre travail n’ayant aucun sens ».

Une autre expérience a également montré que l’ignorance des idées par un manager conduisait au même taux de désengagement des salariés que le fait de tuer leurs idées verbalement.

Ces expériences démontrent que quelqu’un, force de propositions, avec une assurance de rémunération quoiqu’il arrive, peut se désengager fortement si son travail n’est pas reconnu et ses idées critiquées par le management. 

Rien de nouveau, et pourtant… Quel pourcentage d’idées soutenez-vous réellement lorsqu’elles viennent d’un collaborateur ? Les raisons de la non attention aux idées émises sont très souvent légitimes (pas en ligne avec notre stratégie, trop de risques associés, pas assez ambitieuses, sans intérêt…). Mais avant de les tuer sur le champ, essayer de les regarder différemment…pour les transformer en véritables pépites créatrices de valeur pour votre entreprise et l’engagement des porteurs d’idées. Car derrière ces « mauvaises » idées, il y a un collaborateur engagé et un potentiel à amplifier.


Quelles attitudes adopter face à une mauvaise idée ?

Connaissez-vous le point commun entre le téléphone portable, la voiture, ou le premier film de la saga Star Wars(2,3) ? Ce sont tous des succès interplanétaires…auxquels personne ne croyait au départ. Etonnant ?!

En innovation, rares sont les moments où la première idée créé un effet Waouh ou Eureka. La réalité est tout autre. Les vraies idées innovantes ou originales… sont issues d’idées très immatures au départ… Souvent rejetées d’emblée par les méthodes traditionnelles (trop loufoques, trop dérangeantes, pas comprises….), elles bénéficient maintenant de nouvelles façons d’être évaluées… pour le plus grand plaisir des utilisateurs finaux et de leurs entreprises. Et ce simplement.

Une idée peut être évaluée avec cette simple équation(4):

Une idée = un problème + sa solution

Si l’idée est mauvaise, le premier réflexe est de se focaliser sur le problème.

  • Le problème est pertinent : génial, votre collaborateur est proactif et son initiative mérite d’être encouragée (bien sûr avec une meilleure solution
  • le problème est seulement un symptôme ? Les 5 pourquoi permettront d’identifier les causes racines
  • le problème semble insoluble car vous avez déjà tenté plusieurs solutions sans résultat? La reformulation peut s’avérer pertinente pour élargir les solutions possibles. Exemple : un parc d’attraction essaie de diminuer le temps d’attente avant chaque activité. En vain, aucune solution n’est suffisamment efficace. 2 questions pour reformuler le problème :

Imaginons que l’on puisse résoudre ce problème d’attente, qu’est-ce que cela apporterait à nos clients (bénéfice ultime) => ils seraient plus heureux !Comment rendre nos visiteurs heureux lorsqu’ils attendent dans la file d’attente (le problème initial) ? En rendant la file plus ludique.

  • La solution n’est pas bonne
    • A-t-elle été concrètement testée sur le terrain ? On est parfois surpris par les résultats… Elle serait trop chère à tester ? Penser aux prétotypes(5), les prototypes qui permettent d’expérimenter à coût dérisoire l’usage d’un produit, service, idée innovant avant qu’il n’existe 
    • Testée mais pas bonne ? Vous pouvez engager une nouvelle séance de créativité, cette fois avec des méthodes créatives, pour trouver de nouvelles idées vraiment différentes (Scamper, associations, brainstorming renversé…)
    • Inutile de tester car pas suffisamment ambitieuse ? Des idées très simples sont capables de générer énormément de valeur. A l’instar d’une étiquette fluo qui a permis à la Poste d’économiser des milliers d’euros et de garantir la satisfaction de leurs clients et des facteurs(4). Souvent négligées par des décideurs, elles ne peuvent être évaluées que par les opérationnels sur le terrain. Si l’enjeu n’est pas énorme, autorisez l’expérimentation. Au mieux, elles se révéleront très efficaces. Au pire, elles stimuleront les équipes à créer de nouvelles idées plus pertinentes. 
    • Inutile de tester car trop loufoque ou trop risquée ? Savez-vous pourquoi la taille de l’ouverture de votre tube de dentifrice est plus grande qu’il y a 10 ans ? Lors d’un brainstorming, un salarié de Colgate a émis l’idée saugrenue de mettre du gaz dans le tube de dentifrice…pour propulser massivement le dentifrice hors du tube. Irrecevable ! Sauf que le concept derrière cette idée a généré une autre solution commercialement avantageuse : faire consommer plus de dentifrice par l’utilisateur sans qu’il s’en aperçoive…d’où une ouverture plus large. Comment ne pas risquer de passer derrière le potentiel d’une idée immature ? Une technique très simple en 3 ou 4 étapes.
      • 3min de présentation de l’idée (sans question)
      • 4 min de questions réponses pour clarifier l’idée (sans la tuer !) 
      • Identification en silence sur post its des bénéfices de l’idée par chacun des participants (1 bénéfice par post it, nombre illimité de post its). 2 cas de figure : le nombre ou la valeur des bénéfices perçus sont insuffisants : Le processus d’évaluation s’arrête ici sans critique, avec recommandation de renforcer les bénéfices. Le nombre ou la valeur des bénéfices perçus sont suffisants, le processus continue.
      • Identification des inconvénients ou points bloquants en silence. Mais cette fois, chaque participant est limité à 2 post its! Le but est d’identifier les points bloquants majeurs devant être initialement levés et non de tuer prématurément l’idée ou la motivation du porteur d’idée. Y a-t-il des showstoppeurs : auquel cas, de nouvelles idées doivent être émises. Pas de showstoppeurs mais des pistes d’amélioration à apporter ? C’est le principe des idées innovantes. Elles ont besoin d’un temps de maturation. 

Avec les méthodes d’évaluation classiques, beaucoup d’idées n’ont malheureusement pas la chance d’être solidifiées. Elles sont juste tuées en 5-10 min avec beaucoup de critiques…et une forte frustration et désillusion des porteurs d’idées. Challenger sa façon d’évaluer les idées des autres est une belle approche de leadership.


Faire partir ou encourager ? 

Parmi les 9 raisons qui poussent des salariés compétents à démissionner(6), 3 touchent plus spécifiquement les intra-entrepreneurs : ne pas développer leurs compétences, leur créativité ou la possibilité de pousser les limites du possible. Ce sont pourtant ces salariés qui pourraient fortement faire évoluer leur entreprise, car ils sont animés par une formidable énergie pour transformer des situations difficiles en situations prometteuses. Face à l’inertie, l’ignorance voire le dénigrement de leurs idées, certains décident de traverser la route avec leurs idées vers d’autres entreprises plus inspirantes. Une autre perspective est d’accepter, tout en challengeant, des nouvelles idées « plus colorées » pour répondre à des situations problématiques. Certes le design challenge le status quo (à l’instar du mouvement « repairing buildings with legos), mais attire le regard dans des marchés très traditionnels et stimule le collectif vers plus de création de valeur et d’envie.  


Article rédigé par Christiane Brackman, coach en innovation et accompagnement au changement chez ActInedit https://www.actinedit.com/, brackman.christiane@orange.fr

 

Sources 

  1. https://www.amazon.fr/Nudge-management-Eric-Singler/dp/2744066818/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=nudge+management&psr=EY17&qid=1574763641&s=black-friday&sr=8-1
  2. https://sympa-sympa.com/inspiration-histoires/10-decouvertes-majeures-qui-ont-revolutionne-le-monde-auxquelles-personne-ne-croyait-au-depart-230160/
  3. https://www.senscritique.com/liste/Les_films_auquel_personne_ne_croyait_et_qui_ont_ete_un_immen/1459949
  4. https://www.amazon.fr/idées-changent-tout-Alan-Robinson/dp/2212538901/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=vos+idees+changent+tout&qid=1574775421&s=amazon-devices&sr=8-1
  5. https://www.actinedit.com/blog/prétotypes-3-fois-plus-de-chances-de-réussir-en-innovation-à-moindre-coût
  6. https://www.linkedin.com/pulse/les-neuf-erreurs-qui-poussent-employ%25C3%25A9s-comp%25C3%25A9tents-%25C3%25A0-omar-bellil/?trackingId=Psmy6ekGQ5CAdQCQvKLpiA%3D%3D

 


 


 


 


 


 


 







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